A Namur, on se souvient qu’il y a 60 ans, Dominique Pire recevait le Prix Nobel de la Paix

21 décembre 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

L’Œuf ou la tuile ? La question peut surprendre. Et c’est en bord de Meuse qu’elle résonne aujourd’hui. « Il s’agissait en réalité d’une des questions que le Père Dominique Pire, lauréat du Prix Nobel de la Paix il y a tout juste 60 ans, aimait poser à ses visiteurs », explique Alexandra Micciche, historienne de l’Université de Namur.

« Un prix Nobel de la Paix, « belge », qui n’est cependant pas des plus connus », déplore de son côté Bernadette Petitjean, conservatrice aux Archives de l’Etat (toujours à Namur). Qu’à cela ne tienne. Les deux historiennes proposent depuis quelques jours, et pendant trois mois, de découvrir une exposition consacrée au Père Dominique Pire. Une exposition particulièrement bien documentée. Et pour cause, en 2016, les archives du Prix Nobel ont été cédées à l’État par les diverses associations qu’il avait créées.

55 mètres d’archives

« Il nous a fallu plusieurs mois pour classer, analyser et indexer les quelque 55 mètres d’étagères (on dit « linéaires » dans le jargon des archivistes) qu’occupent ces documents », souligne Bernadette Petitjean. « Très vite, la nécessité de les montrer (partiellement) au public s’est imposée ».

Reconstitution du bureau du Père Pire.
Reconstitution du bureau du Père Pire.

Un Comité Père Dominique Pire a ainsi été mis sur pieds, avec deux archivistes de l’État et deux membres de l’association Dominique Pire, de même que des chercheuses de l’université de Namur, dont Madame Micciche, assistante de recherche au département d’histoire de l’UNamur.

Un bureau reconstitué pour susciter la curiosité

Que raconte cette exposition ? C’est une visite en dix-huit tableaux qui attend le visiteur. Au départ d’une copie du bureau du Père Pire où 18 objets, parfois insolites, ont été numérotés, le visiteur est amené à découvrir ensuite autant de panneaux et de vitrines retraçant divers pans de la vie du prêtre.

Pourquoi 18 objets en particulier ? Ecoutez les explications d’Alexandra Micciche:

 

L’exposition s’articule autour de quatre grandes périodes de sa vie:

  • 1 Sa jeunesse et ses premières actions en faveur des enfants et familles pauvres de la région de Huy
  • 2 Son action internationale d’aide aux personnes déplacées
  • 3 Le Prix Nobel
  • 4 Et enfin l’élargissement de son action au niveau mondial

« C’était un Homme de cœur qui s’est laissé prendre à chaque fois qu’une souffrance des hommes se présentait », indique André Motte, membre du Comité Père Dominique Pire, qui a collaboré à l’exposition.

« D’abord dans son environnement direct, à Huy. Puis, ailleurs en Europe, quand il a été alerté de l’existence de camps de réfugiés le long du rideau de fer où se massaient 200.000 à 300.000 personnes dont l’Occident ne voulait pas ».

Réveiller les consciences 

« C’est à la suite d’une conférence donnée par un Américain, directeur d’un de ces camps, que le Père Pire a été visiter une vingtaine de ces camps pour attirer l’attention sur le drame de ces réfugiés. C’était en 1949…  Il voulait réveiller les consciences, faire émerger une Europe du cœur, donner une voix aux gens sans voix », dit encore M. Motte.

Fort de son prix Nobel, il a élargi son champ d’action. Il s’est senti investi d’une responsabilité accrue, et s’est tourné vers d’autres horizons où des personnes étaient également réfugiées, en Afrique et en Asie.


Et à propos, cette histoire d’œuf et de tuile qui a donné son nom à l’exposition, de quoi s’agit-il en réalité ?

Parmi les objets insolites que l’on peut découvrir dans l’exposition figure effectivement une tuile ! Le Père Pire utilisait cette tuile calcinée provenant d’Hiroshima, de même qu’un œuf provenant d’un camp de réfugiés algériens au Maroc, comme symbole pour faire passer un message. Il plaçait ainsi son interlocuteur devant une alternative, un choix décisif dont dépendait, selon lui, le sort de l’humanité.

Voici ce qu’il en disait :

« J’ai reçu l’œuf en novembre 1960 dans un camp de réfugiés algériens. L’un d’eux, très pauvre, n’ayant rien à m’offrir, mais voulant cependant pratiquer à mon égard l’hospitalité si chère aux Arabes, m’offrit un œuf. Il se trouve sur mon bureau et est pour moi le symbole de la noblesse humaine ».

« Quant à la tuile, elle me fut donnée en janvier 1961 lors de ma visite à Hiroshima. On voit sur cette tuile la terrible brûlure de la bombe atomique. Elle rappelle que l’homme peut être cruel pour son frère en tuant celui-ci par les moyens les plus « raffinés ». Si l’œuf l’emporte c’est-à-dire si la noblesse s’impose, l’Humanité sera sauvée… »

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